Comment avez-vous réagi personnellement envers les SS? Etaient-ils tous violents ? Comment des personnes pouvaient-elles se comporter ainsi? Quelle leçon peut-on en tirer ?
Le SS qui m’a sauvé la vie à Auschwitz m’a confié un jour: “Je me sens comme dans un train fou qui dévale une pente. Si je saute, je me tue, mais si je reste, je n’ai aucun espoir non plus. Le train va s’écraser.” Beaucoup de SS avaient été trompés par l’idéologie nazie qui prônait l’avènement d’une race supérieure. Ils croyaient que c’était leur devoir d’obliger tous les Allemands à adopter les idéaux nazis. Quand ils étaient affectés à un camp, beaucoup s’adonnaient à la boisson même si le règlement nazi prohibait strictement l’alcool. Quand j’ai travaillé au mess, j’ai vu, personnellement, des SS s’enivrer. Nous avions appris à ne pas attirer l’attention du SS dont le regard devenait vitreux sous l’effet de l’alcool. Les Kapos étaient pires que les SS. Les SS nommaient les prisonniers les plus violents aux postes de Kapos. Ceux-ci maltraitaient cruellement les autres détenus, ils pouvaient devenir extrêmement violents juste pour plaire à leurs maîtres SS qui les récompensaient alors par des faveurs ou une part de pain supplémentaire.
Un jour, un Kapo m’a vu prendre appui sur la pédale du vélo d’un SS que j’emmenais à l’atelier de réparation. Il a rapporté au SS « qu’un sale Juif avait profané sa bicyclette ». Pour ce « délit », ils m’ont allongé à plat ventre et lié sur une sorte de table en bois (bock) puis sauvagement battu de 25 coups de fouet.
J’ai découvert l’importance primordiale d’une bonne éducation morale. Des qualités précieuses comme la fidélité, le dévouement et le courage peuvent être détournées de leur but chez une personne dont l’éducation a été basée sur la discrimination, une fierté excessive, la condescendance, la cupidité ou l’ambition.
Les valeurs morales les plus élevées ont une base commune : l’amour. L’amour ne fait pas de mal à autrui, l’amour est humble, l’amour n’opprime pas, il est incapable d’assassiner, d’écraser. L’amour est assez fort pour résister au mal et il se porte au secours de ceux qui sont dans le besoin.
La règle de vie énoncée par Jésus est : « Aime ton prochain comme toi-même. » Je peux témoigner que cette sorte d’amour est capable de subsister, même dans les camps.